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Tribune: Sortir (enfin) de la crise agricole


 

 

Alors que nous, acheteurs consommateurs, mangeons nos céréales dans un grand bol de lait chaque matin ; nous nourrissons d’environ 150 kilogrammes de pain, pâte et purée par an ; que nous dévorons environ 85 kilogrammes de viande par an… Les personnes qui nous permettent de remplir nos bols et nos assiettes ont le taux de suicide le plus élevé de France (un tous les deux jours –http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/10/10/500-suicides-recenses-chez-les-les-agriculteurs-en-3-ans_3493464_3224.html).

Parce que nous ne pouvons plus permettre que cela perdure, nous souhaitons que le monde agricole français évolue désormais dans le bon sens.

Nous vous parlions de votre bol de lait. Ce lait que vous avez acheté dans une grande surface à un prix avoisinant les 80 centimes d’euro. Remontons le temps ensemble. Avant que vous ne l’achetiez, votre lait a été transformé pour devenir cette crème onctueuse demi-écrémée puis mis en brique ou en bouteille. Mais dans tous les cas, votre lait provient d’une vache. Cette vache a produit du lait que son éleveur a livré pour environ 27 centimes d’euro à l’industriel qui lui-même l’a vendu à la marque qui nous le distribuera. Entre leur vente et notre achat, le produit prend donc 53 centimes soit plus de 66% de sa valeur finale. Mais la question à se poser est : à qui doit revenir la plus grande partie de ces 80 centimes ? A l’industriel qui transforme une matière première en produit fini par l’utilisation de machines ou à l’éleveur qui se lève chaque matin pour traire sa vache et qui finira sa vie avec moins de 800 € de retraite ? Et puis, et surtout, qu’est-ce que 27 ou 80 centimes quand on sait tout le travail que cela nécessite, sans parler du rôle de l’agriculteur dans la société ? Soulignons combien l’acte d’achat revêt une importance capitale. Derrière les 27 centimes se cache tout d’abord le travail de l’éleveur, c’est indéniable. A quoi servent ces 27 centimes ? La liste est longue : le dur labeur nous le disions, les approvisionnements qui font vivre toute la filière de l’amont (fabricants d’aliment, marchands de semences, etc…), et donc le maintien d’une activité en milieu rural, les services publics, la qualité des eaux, les paysages donc notre terroir, et même l’image de la France à l’étranger !

Vous l’aurez compris, nous défendons l’agriculture française. Ce secteur agroalimentaire français, qui autrefois était la marque de fabrique de la France aux yeux du monde, ne revêt plus que ses habits les plus sombres. Alors oui, le gouvernement VALLS II a annoncé des mesures plus symboliques qu’annonciatrice de changements. Pour commencer, une année blanche sur les cotisations sociales pour les agriculteurs en difficulté (http://www.lejdd.fr/Societe/Crise-agricole-Valls-promet-une-annee-blanche-pour-les-agriculteurs-a-faible-revenus-773395). Mais si 2016 est une année blanche, que se passera-t-il en 2017 ? Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une remise à plus tard d’un problème devant être résolu aujourd’hui. Peu importe à qui imputera la tâche de résoudre le problème des charges mais ce qui est certain, c’est que demain, il sera trop tard pour (environ) 200 agriculteurs.

Nous vous livrons ici quelques pistes pour inverser la tendance et redonner espoir à nos agriculteurs ! Rappelons tout d’abord que les mesures d’urgence du gouvernement concernent un allègement des charges sociales. Peut-on dire que c’est une solution d’avenir ? Qui se chargera de payer les retraites ? Une fusion de la MSA (Mutualité Sociale Agricole) avec le régime général ne serait-elle pas plus pertinente que ce qui est proposé aujourd’hui ?

Le « caractère familial » a été rappelé, une nouvelle fois, dans les objectifs de la dernière loi d’avenir pour l’agriculture (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=10CD5EB34472ACB989EEF4C517983E13.tpdila09v_1?cidTexte=JORFTEXT000029573022&categorieLien=id). Ce modèle, si nous voulons le conserver, implique d’intensifier nos efforts d’organisation. Nous devons amplifier le mouvement coopératif et généraliser les organisations de producteurs dans toutes les productions. Comment peser autrement qu’en étant unis face à des transformateurs pesant plusieurs milliards d’euros ou des fournisseurs qui jouent sur la divisions des producteurs ? Les agriculteurs ont la possibilité de rester maîtres chez eux, mais cela ne se fera pas sans une coopération renforcée. Le législateur devra, en parallèle, continuer à veiller à la démocratie dans ces structures, tentées par des aventures qui les éloignent parfois des préoccupations de leurs adhérents. De nombreux GIE (Groupement d’intérêt Economiques), CUMA (Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole) voient le jour. Accélérons la tendance, en créant des outils incitatifs !

Pensez-vous que le travail du paysan dans le sens de façonneur du pays lui soit rémunéré ? Pas du tout. Sa fonction première est de produire. Mais imaginez-vous les efforts qu’il fait pour respecter les directives environnementales (poussées à l’extrême dans le prétendu objectif de protéger la planète) ? Nous pouvons citer les directives nitrates, écophyto2018, paiement vert, Natura2000, etc…Ces coûts doivent être internalisés car le consommateur en bénéficie, d’ailleurs le respect de l’environnement est une demande légitime de la société, il est donc normal qu’il y participe. Un effort décisif en termes de communication est à faire, auprès du grand public et en collaboration avec les grandes enseignes de la distribution.

En parlant des charges, en France : l’Etat impose 46% de charges sur l’agriculture. En Allemagne, ce taux descend à 23%. Comment obtenir une agriculture compétitive avec autant de charges par rapport à nos voisins outre-Rhin ? Le Premier Ministre français a annoncé une baisse des charges sociales de 7 points (46%-7=39%). Cette annonce va dans le bon sens mais n’est pas suffisante. Si les gouvernements de droite ou de gauche arrêtaient les demi-mesures, nous imposerions un taux à 30% qui serait raisonnable pour les agriculteurs et toujours très supérieur à celui des Allemands.

La vente à perte est-elle interdite en France ? C’est le cas, sauf lorsqu’il s’agit de service public ou d’agriculture. Aujourd’hui, les industriels maîtrisent leurs tarifs d’achats car les producteurs n’ont pas d’autres choix que de leur vendre leur production, car ce qui n’est pas vendu est perdu. Il faut donc que l’Etat intervienne pour aider la partie faible du partenariat : les producteurs. En plus de cette baisse des charges, l’Etat doit établir un prix plancher pour empêcher les agriculteurs de vendre à perte aux industriels. Ainsi et seulement ainsi, les agriculteurs pourront augmenter leur marge de production : en diminuant les dépenses et en augmentant les recettes. L’un n’ira pas sans l’autre.

Mais si les prix d’achat augmentent pour les industriels, alors ils compenseront par une augmentation du prix de vente ? Ce sera donc le consommateur final (nous) qui allons encore devoir payer plus cher pour pouvoir manger la même chose qu’aujourd’hui ? Si l’on en croit les sondages d’opinion (http://www.campagnesetenvironnement.fr/les-francais-prets-a-payer-plus-cher-des-produits-7695.html), les Français sont prêts à payer un peu plus chers les produits alimentaires locaux pour aider l’agriculture française. Bien sûr que cette mesure fera grogner quelques Picsous, mais pour que l’avenir de la France agricole puisse s’écrire Avenir, il faudra s’en donner les moyens. Car il n’y a qu’ensemble que nous pourrons sauver l’agriculture française, et notre bien le plus précieux qu’a toujours préservé le Général De Gaulle : l’autosuffisance nutritive de la France.

Simon AUDOIRE

Bastien CORSINI

(Tribune réalisée dans le cadre de « La Relève Démocrate » )

 

 

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